OURIDA DE LAMPEDUSA(OU LA CAVALE DES PAUVRES)

ROMAN DE NOURI MIMOUN
COMMENTAIRE DE Mr ABDELAZIZ ZAYANI, ami de l’auteur
En lisant le roman de Nouri Mimoun Ourida de Lampedusa paru en 2023 aux Editions
Meskeliani à Tunis, j’étais agréablement surpris de découvrir une magnifique œuvre de
littérature engagée.
En effet, partant du thème de l’émigration irrégulière devenue de nos jours un véritable
fléau qui frappe les pays du Sud, l’auteur présente une certaine vision du monde engagée,
militante, qui nous invite d’abord à prendre conscience de la réalité amère qui pousse les jeunes
des pays pauvres à tenter l’aventure, et ensuite à connaitre, voire soutenir leur combat contre
les injustices et les misères qu’engendre cette émigration au sein même des pays du Nord.
Décrivant leur quotidien fait de frustrations, de déceptions et de désarroi, l’auteur cible à travers
le récit de son œuvre les causes directes de l’émigration irrégulière à savoir le chômage
endémique qui sévit dans ces pays, conjugué au climat politique et social étouffant, oppressif
imposé par les régimes en place. Le tout conduit à une situation de blocage qui ne laisse
aucune chance aux jeunes de pouvoir réaliser leurs ambitions légitimes et les pousse ainsi vers
la seule issue restante qui est l’émigration irrégulière avec son cortège de mésaventures, de
souffrances et de malheurs.
En filigrane, le roman reflète l’échec structurel des régimes politiques dans les pays
maghrébins et subsahariens à asseoir un modèle de développement durable à même de
réduire la misère, de contenir le chômage, de générer les emplois, de stimuler la croissance et
la prospérité, mais aussi leur refus d’instaurer un pouvoir qui respecterait la dignité des citoyens,
leurs libertés fondamentales et leurs droits politiques, économiques, sociaux et culturels. Ainsi,
malgré le fait que les événements du roman se passent vers l’année 2010, l’œuvre nous
interpelle pour une réflexion de fond sur le présent et l’avenir des pays en question restés pour
l’essentiel sous l’emprise implacable du néo-colonialisme.
Le roman est de ce fait porteur d’un message capital dont la consistance est qu’il n’y a
d’espoir que dans la lutte, car seule la lutte est libératrice. Ce message de combat, c’est Ourida,
jeune algéro-malienne diplômée au chômage, en tant que personnage central du roman qui va
l’incarner à merveille et le porter toujours haut avec le soutien indéfectible de ses camarades et
amis. D’abord en bravant tous les obstacles et les dangers lors d’une longue traversée du
désert marquée par des moments pénibles et des personnages étranges, qui la mènera avec
son compagnon Hussein, lui aussi jeune professeur au chômage, du fin fond du Sahara au Mali
jusqu’aux rives sud de la Méditerranée précisément à Tunis où ils feront la connaissance de
Adel, autre jeune professeur à l’emploi précaire, déterminé également à tenter l’aventure.
Ensuite en organisant la continuation de leur périple jusqu’à Naples, en passant par la fameuse île de Lampedusa où ils vont séjourner pendant quelques semaines et y connaître un avant-
goût de leur future situation à Naples.
Aussitôt installés dans le vieux Naples, Ourida, Hussein et Adel vont décrocher chacun un
boulot précaire. Du coup ils prennent conscience de la fragilité de leur situation en tant
qu’immigrés sans papiers travaillant dans le noir. Considérés par leurs employeurs comme une
main d’œuvre disponible, bon marché, corvéable à merci, ils réalisent qu’ils doivent peiner toute
la journée pour ne récolter qu’un salaire de misère sans bénéficier d’aucun droit.
Mais pire que ça. Il leur a été donné de découvrir, à la faveur d’un incident survenu dans
l’auberge où ils résident, l’horrible sort destiné à un grand nombre de femmes immigrées
clandestines jetées dans la prostitution ” à coups de ceinture “, étant signalé que pour la plupart
d’entre elles, ces jeunes femmes sont issues des pays pauvres du Sud.
C’est alors que Ourida, guidée par son caractère de jeune femme rebelle détestant
l’injustice et l’exploitation, faisant valoir ses qualités de meneuse, va organiser avec l’aide de
ses camarades deux actions de lutte sociale spectaculaires qui se solderont par un net succès.
La première action aura pour objectif majeur de libérer les femmes prostituées, qui désirent
l’être, de l’esclavage que leur imposent leurs maîtres proxénètes. La deuxième portera sur le
refus des conditions de travail réservées aux ouvriers immigrés du secteur de la restauration
dans les quartiers du vieux Naples.
Il s’avère pour Ourida et ses camarades que la réussite de leurs combats contre
l’exploitation et l’oppression demeure tributaire de leur ferme engagement à bien préparer et
bien organiser leurs actions de lutte. C’est ce qu’elle va entreprendre de faire. Lors de la
préparation de ces actions, elle parvient chaque fois, au terme d’un laborieux travail
d’explication et de sensibilisation, à mobiliser un nombre important de militants prêts au combat,
et à rallier à leur cause de larges soutiens puisés dans les milieux syndicaux et associatifs.
Dans la ferveur de la lutte, elle découvre avec ses camarades le sens profond des valeurs
universelles telles que la solidarité, la fraternité et l’union.
En ce qui concerne les personnages de notre roman, il apparait clairement que Ourida
occupe une place de choix. En fait c’est autour d’elle que se construit l’intrigue. Elle est bel et
bien l’héroïne du roman, une héroïne débordante de qualités et de valeurs nobles.
En sublimant son rôle, l’auteur a manifestement voulu rendre hommage aux femmes en
général et aux militantes en particulier. Toutefois Il convient de signaler que les autres
personnages du roman sont pour la plupart très intéressants. D’ailleurs Ourida n’aurait jamais
réussi ses combats sans le soutien actif, voire l’implication totale de certains de ses camarades
et amis proches. Eux aussi sont nantis de qualités indéniables.
Sur le plan de l’écriture du roman, je dirai que le style adopté par notre auteur est direct et
simple avec des phrases généralement courtes, un vocabulaire léger mais souvent percutant
soutenu par une richesse de l’expression et une aisance dans le choix et l’emploi des termes
adéquats.
Il est à noter enfin, que si le schéma narratif du roman est plutôt du genre simple et
classique, la construction de l’intrigue semble complexe, car elle retrace l’aventure de plusieurs
personnages dont les destins se joignent ou se croisent mais chacun gardant son propre
itinéraire. La complexité et la diversité des origines et des parcours des différents personnages
ne font qu’enrichir le récit de notre roman, qui par ailleurs foisonne d’histoires personnelles
attachantes comme celle de Rosana, de Rachid et Fortunata, ou celles de Adel, de Chedlon, de
Maya, et bien sûr celles d’Ourida et de Hussein et autres Ibrahima et Akolaba…
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